Une ? Non, deux unions.

Rose Rouge – Vassily Kandinsky

En politique, recevoir un compliment signifie bien souvent se prendre dans la seconde qui suit une vacherie.

Jean-Luc Mélenchon, rarement avare d’une pique, a décidé en cette rentrée politique tumultueuse de ne pas s’économiser et d’à la fois féliciter François Bayrou d’en revenir à des usages parlementaires avec le vote de confiance du 8 septembre et Raphaël Glucksmann de clarifier la situation à gauche. 

Bien entendu, ces compliments l’arrangent : le Premier ministre est un mort vivant à 12% de popularité et Glucksmann, qui ne l’avouera jamais publiquement, partage avec l’insoumis l’avis que leurs candidatures respectives sont nécessaires en dehors de tout processus de primaire ou d’union avant l’élection.

LFI comme Place Publique prennent ainsi le risque de se mettre totalement en opposition d’une grande partie de l’électorat de gauche qui, de par sa crainte légitime et identitaire de voir arriver au pouvoir l’extrême droite, s’embourbe dans le désespoir de constater son camp éternellement désuni.  

Comme souvent, le PS arrive en retard mais semble décidé à jouer lui aussi au jeu de la désunion. Sa dernière trouvaille : le parti d’Olivier Faure s’est lancé dans une présentation d’un contre-budget flou, dont les détails précis restent introuvables, mais dont les quelques éléments disponibles tentent de vendre un équilibre entre augmentation des recettes et réduction des dépenses.

Conçue pour dégager une odeur plaisante pour ses partenaires plus à gauche, cette proposition sert surtout de prétexte à annoncer la nouvelle lubie d’Olivier Faure : devenir le nouveau Premier ministre de Macron.  En excluant évidemment tout ministère pour LFI ce faisant. 

La précision était d’ailleurs inutile puisque les insoumis auraient de toute manière rejeté la proposition comme l’a très explicitement rappelé Mélenchon dans son dernier Moment Politique. 

Or, même avec un emballage économique plutôt à gauche dans le sens où il privilégie les nouvelles recettes aux coupes budgétaires, en visant de manière aussi nette Matignon et en affirmant sa volonté de continuer le dialogue avec un François Bayrou qui a renouvelé son mépris envers eux/elles ce dimanche soir, les dirigeant-e-s du PS semblent vouloir prendre pour stratégie politique de récupérer ce slogan vachard des insoumis envers Glucksmann : “Un autre Macron est possible”.  Après tout, c’est toujours mieux que “Tout le monde déteste le PS”.

Ce scénario des roses en chefs de gouvernement est d’autant plus étrange pour quiconque y réfléchit qu’il se heurte à deux murs infranchissables : l’incapacité à dépasser 130 députés et celle de Macron à changer de politique économique.

Ajoutons à ce triste tableau que, dans cette période de lassitudes extrêmes et de colères renforcées où le dégagisme et les solutions nettes semblent s’imposer virilement à l’opinion publique, l’on peut aisément plaider que si l’orage doit s’abattre il risque fort de tomber sur les dirigeants actuels. Soit sous l’arbre au centre du pré. Malheur alors à qui tentera de s’y abriter de quelque côté que ce soit. 

Isaac Newton vu par le génial Gotlib

Restons toutefois positifs, ce soap politique à l’eau de rose aura tout de même fait un heureux puisque l’éditorialiste de Libération Thomas Legrand, véritable boussole à montrer le passé, a applaudi un PS redevenu “les adultes dans la pièce”. On lui rappellera cependant, poliment sinon il va se fâcher tout rose pâle,  que ces dernières années sur des sujets sensibles comme le NFP ou la crise sanitaire, c’est bien plus souvent le NPA que les autres partis qui ont eu ce rôle.

Reste que la constitution de ces 2 pôles politiques, qui ne s’entendent jamais aussi bien que sur la nécessité de leur séparation, pose toutefois un énorme problème au reste des forces politiques de gauche. Que ce soit les écologistes (qui ont aspiré à l’Assemblée les ex-LFI) ou une partie des communistes, ces formations et élus unionistes, convaincus et/ou forcé-e-s de l’être pour assurer leur survie politique, voient leur principal argument, certes toujours très populaire, commencer à manquer d’aire faute d’espace politique. 

Pris-es en tenaille, ils/elles font alors ce que tout le monde ferait à leur place : prendre les gens à témoin. Car après tout si l’union est tant désirée, quoi de plus simple que faire pression sur cet argument simple et efficace ? Eh bien une certaine Christiane Taubira adoubée par une certaine primaire « populaire » pourrait leur rappeler que, en politique comme ailleurs, les gens ne sont pas ce qu’ils/elles prétendent être dans l’idéal.

Ainsi, un électeur LFI tout comme une électrice PS/Place Publique peut très bien être pour l’union tout en ayant une claire préférence partisane qu’il/elle privilégiera au moment du scrutin si elle/il en a le choix. 

Toute l’impossibilité de l’union est là : il n’existe aujourd’hui aucune urgence ressentie et trop de ressentiments accumulés pour permettre le moindre compromis aussi bien crédible que visible et entendable. Et au-delà de ces querelles, il faut bien reconnaître qu’il sera extrêmement difficile de ramener insoumis et socialistes autour d’un programme commun si personne n’a la main la plus forte.

Qui imagine en effet Mélenchon et Guedj discuter génocide palestinien ou Delga et Dufour s’entendre sur une politique économique. Les différences sont réelles et les unionistes ne parviennent toujours pas à rendre cette future alliance ne serait-ce qu’un peu tangible.

Sans réelle stratégie et, hormis Marine Tondelier qui parvient parfois à se faire reconnaître au-delà des cercles militants , sans porte-parole clairement identifié par un public peu politisé, les unionistes apparaissent figé-e-s et sans maîtrise de leur destin.

Tandis qu’en face, on danse. PS Publique comme LFI argumentent et surtout communiquent désormais sur la nécessité et les vertus de cette désunion partagée. Après avoir écouté certains discours, il apparaît alors que ce qui était avant un repoussoir vallsien, les gauches irréconciliables, est en train de devenir aujourd’hui pour ces organisations une sorte de nécessité certes urticante mais dont on devrait presque paradoxalement même se réjouir.

Celles et ceux qui attaquaient ou se défendaient avec force de l’argument des purges semblent finalement aujourd’hui l’embrasser en espérant que l’électorat de gauche, contraint par le vote et la poussée fasciste, finira par faire son choix. Méthodes de crevard mais méthodes efficaces ? Seul l’avenir nous le dira.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *